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Le ras-le-bol des Africains face à l’ingérence française en Afrique

L’année 2025 marque un tournant décisif dans les relations franco-africaines. De Dakar à Niamey, de Bamako à Libreville, un sentiment d’exaspération vis-à-vis de la présence française et de ses ingérences s’exprime avec une vigueur inédite. Cette lame de fond, qui dépasse largement les clivages politiques traditionnels, traduit une volonté d’émancipation et de redéfinition des rapports avec l’ancienne puissance coloniale.

Des interventions militaires contestées

Les opérations militaires françaises sur le continent ont cristallisé les critiques. L’opération Barkhane au Sahel, malgré ses objectifs antiterroristes affichés, a été perçue comme une perpétuation de la « Françafrique » sous couvert de lutte contre le djihadisme. Son bilan mitigé, après près d’une décennie de présence, a renforcé la conviction que ces interventions servaient davantage les intérêts stratégiques français que la sécurité des populations locales.

La série d’expulsions des forces françaises du Mali, du Burkina Faso puis du Niger témoigne de ce rejet. Les nouveaux dirigeants de ces pays, soutenus par un large parti de leur population, ont fait du départ des militaires français un symbole de reconquête de leur souveraineté nationale.

L’influence politique et économique en question

Au-delà de la dimension militaire, c’est tout un système d’influence qui est remis en cause. Le franc CFA, rebaptisé ECO pour les pays d’Afrique de l’Ouest mais toujours adossé à l’euro et partiellement géré depuis Paris, demeure perçu comme un outil de domination économique. Les jeunes générations, particulièrement, y voient un obstacle à leur développement et à leur autonomie financière.

Les réseaux d’influence économique français, de Total aux grands groupes de BTP et de distribution, sont également sensibles pour leurs pratiques jugées extractives et leur faible contribution au développement local. « Nous voulons des partenariats équitables, pas une perpétuation du modèle colonial d’extraction des ressources », résume récemment un économiste sénégalais.

Une jeunesse connectée et désabusée

Les médias sociaux ont joué un rôle de catalyseur dans cette montée du sentiment anti-français. Une génération entière, née après les indépendances et connectée au monde, partage et amplifie un discours critique envers la France. Les influenceurs panafricanistes comptent désormais parmi les voix les plus écoutées sur le continent.

Cette jeunesse dénonce les incohérences du discours officiel français sur la démocratie, pointant le soutien historique aux régimes autoritaires lorsqu’ils servaient les intérêts français. « Pourquoi la France condamne-t-elle certains coups d’État et en soutient d’autres ? Cette hypocrisie n’est plus tolérable », s’indigne un activiste ivoirien.

L’émergence d’alternatives géopolitiques

Le ras-le-bol envers la France s’inscrit également dans un contexte de diversification des partenariats internationaux. La Russie, la Chine, la Turquie et les pays du Golfe proposent des alternatives qui séduisent par leur approche transactionnelle, présentées comme dépourvues de conditionnalités politiques.

La Russie, notamment à travers le groupe Wagner, a su exploiter les frustrations anti-françaises au Sahel. La Chine, avec ses investissements massifs dans les infrastructures, apparaît comme un partenaire plus respectueux de la souveraineté africaine. Ces nouveaux acteurs ont compris l’importance du narratif souverainiste qui résonne fortement auprès des opinions publiques africaines.

Vers une redéfinition des relations

Face à cette contestation, les tentatives françaises de renouveler son approche se heurtent à un scepticisme profond. Les discours sur la fin de la Françafrique, prononcés par chaque président français depuis Jacques Chirac, n’ont pas été suivis de changements structurels suffisants pour convaincre.

Des intellectuels africains appellent désormais à une « décolonisation mentale » et à la construction de nouvelles relations fondées sur le respect mutuel et l’égalité. « Nous ne rejetons pas la France en tant que partenaire, mais nous refusons qu’elle se considère comme tutrice ou donneuse de leçons », explique une universitaire camerounaise.

Conclusion

Le ras-le-bol africain face à l’ingérence française ne constitue pas un simple phénomène conjoncturel mais bien une transformation profonde des mentalités et des aspirations. Cette évolution oblige la France à repenser essentiellement sa présence sur le continent, au risque de voir son influence s’éroder irrémédiablement.

Pour de nombreux observateurs, cette phase de tension pourrait paradoxalement ouvrir la voie à des relations plus saines et équilibrées, à condition que la France accepte de renoncer définitivement à ses réflexes hérités de l’ère coloniale et post-coloniale. L’avenir des relations franco-africaines dépendra largement de cette capacité d’adaptation à un continent en pleine mutation, déterminé à écrire son propre récit et à choisir librement ses partenaires.

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