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L’émergence de l’Alliance des États du Sahel (AES)

L’un des développements politiques majeurs de ces dernières années est la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) en septembre 2023, regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette alliance, formée par trois pays dirigés par des gouvernements militaires issus de coups d’État, marque un tournant dans la géopolitique régionale :

  • Confédération de défense mutuelle : Les trois États se sont engagés à se porter assistance en cas d’agression extérieure.
  • Rupture avec la CEDEAO : Leur retrait collectif de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest en janvier 2024 symbolise leur volonté d’autonomie.
  • Redéfinition des alliances internationales : Distanciation vis-à-vis des partenaires occidentaux traditionnels et diversification des partenariats, notamment avec la Russie.

La montée en puissance des juntes militaires

La gouvernance politique au Sahel a connu un bouleversement majeur avec l’arrivée au pouvoir de régimes militaires :

  • Au Mali : Le Colonel Assimi Goïta dirige le pays depuis le double coup d’État de 2020-2021.
  • Au Burkina Faso : Le Capitaine Ibrahim Traoré a pris le pouvoir en septembre 2022.
  • Au Niger : Le Général Abdourahamane Tiani s’est emparé du pouvoir en juillet 2023.
  • En Guinée : Le Colonel Mamadi Doumbouya dirige la transition depuis 2021.
  • Au Tchad : Mahamat Idriss Déby a succédé à son père après la mort de ce dernier en 2021.

Ces régimes militaires partagent plusieurs caractéristiques :

  • Un discours axé sur la souveraineté nationale et la lutte contre le terrorisme
  • Une remise en question des partenariats sécuritaires traditionnels
  • Une méfiance vis-à-vis des conditionnalités démocratiques occidentales
  • Une volonté affichée de diversifier leurs alliances internationales

Le recul de l’influence occidentale

La région connaît un bouleversement majeur dans ses relations internationales :

  • Retrait français : Après des décennies de présence militaire, la France a dû retirer ses troupes du Mali, du Niger et du Burkina Faso face à l’hostilité croissante envers sa présence.
  • Remise en question du modèle de coopération : Les approches traditionnelles occidentales, associant sécurité, développement et promotion de la démocratie, sont contestées.
  • Échec relatif des missions internationales : Les résultats mitigés des missions de l’ONU (MINUSMA), de l’UE et des initiatives internationales ont alimenté un sentiment de déception.

L’ouverture à de nouveaux partenaires

Dans ce contexte de redéfinition des alliances, plusieurs acteurs internationaux gagnent en influence :

  • La Russie : Moscou a rapidement comblé le vide laissé par le retrait occidental, proposant des partenariats sécuritaires et économiques, notamment via le groupe Wagner/Africa Corps, et un soutien politique aux régimes en place.
  • La Chine : Pékin poursuit sa stratégie d’influence économique à travers des investissements dans les infrastructures et l’exploitation des ressources naturelles.
  • La Turquie : Ankara développe progressivement sa présence diplomatique, économique et culturelle dans la région.
  • Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite : Ces pays du Golfe renforcent leur influence à travers des investissements stratégiques et l’aide humanitaire.

Les défis de la transition politique

Les perspectives d’évolution politique dans la région restent incertaines :

  • Calendriers de transition contestés : Les engagements initiaux de retour à l’ordre constitutionnel sont régulièrement repoussés ou renégociés.
  • Équilibre civil-militaire : La question du rôle des forces armées dans la gouvernance future demeure centrale.
  • Légitimité populaire : Les juntes bénéficient d’un soutien populaire significatif, notamment dans les capitales, mais doivent répondre aux attentes en matière de sécurité et de développement.
  • Dialogue politique interne : La réconciliation nationale et l’inclusivité du processus politique restent des défis majeurs.

Vers un nouveau modèle régional ?

La situation actuelle au Sahel semble dessiner les contours d’un nouveau paradigme régional :

  • Affirmation souverainiste : La revendication d’une plus grande autonomie dans les choix nationaux et régionaux.
  • Pragmatisme sécuritaire : Priorité donnée à la lutte contre le terrorisme sur les questions institutionnelles.
  • Diversification des partenariats : Fin de l’exclusivité des relations avec les partenaires traditionnels.
  • Régionalisation des solutions : Recherche de réponses endogènes aux défis sécuritaires et de développement.

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