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Afrique - Culture - Littérature - 24 septembre 2024

Le poids de la tradition orale dans la littérature africaine

La tradition orale joue un rôle fondamental dans la littérature africaine, tant classique que contemporaine. Avant l’arrivée de l’écriture, l’Afrique reposait sur la transmission orale pour la préservation de son histoire, de ses légendes, de sa sagesse et de ses valeurs culturelles. Cette tradition a façonné non seulement la culture, mais aussi la manière dont les récits africains sont transmis, influençant profondément la littérature écrite.

  1. Le rôle des griots et des conteurs
    Les griots et conteurs occupent une place centrale dans la tradition orale africaine. Ils sont les gardiens de la mémoire collective, transmettant les récits historiques, les mythes fondateurs, les légendes et les valeurs morales d’une génération à l’autre. Leur importance se retrouve dans plusieurs cultures, notamment en Afrique de l’Ouest, au Mali, au Sénégal et en Guinée.
    Dans des œuvres telles que L’Étrange destin de Wangrin d’Amadou Hampâté Bâ (Mali), l’importance de la parole et du rôle du griot est omniprésente. Hampâté Bâ, lui-même défenseur de la tradition orale, a souvent rappelé l’adage africain : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » Cette citation reflète l’idée que la mort d’une personne âgée emporte avec elle des savoirs précieux qui n’ont pas été écrits mais transmis oralement.
  2. L’influence de la tradition orale sur la littérature écrite
    La transition de l’oralité à l’écrit dans la littérature africaine ne s’est pas faite sans continuité. Les écrivains africains contemporains puisent largement dans la tradition orale pour enrichir leurs œuvres écrites. Ils intègrent des éléments tels que les proverbes, les contes, les chants et les épopées dans leurs récits.
    Par exemple, Chinua Achebe, dans Things Fall Apart (Le Monde s’effondre), utilise les proverbes et les histoires traditionnelles igbo pour rythmer et structurer son récit. Les proverbes y jouent un rôle crucial, reflétant la sagesse ancestrale et la manière dont la communauté exprime des vérités complexes à travers des phrases courtes et imagées. Ils servent de lien entre la culture orale et le récit écrit.
    De même, dans les œuvres de Ngũgĩ wa Thiong’o (Kenya), notamment Petals of Blood et A Grain of Wheat, les personnages sont souvent des porte-parole des traditions orales africaines, et la structure narrative est influencée par la façon dont les récits étaient racontés à l’oral. Ngũgĩ a souvent insisté sur l’importance de l’oralité dans la préservation de l’histoire et des identités africaines, tout en critiquant l’imposition des langues coloniales à travers l’éducation formelle.
  3. La tradition orale comme véhicule de résistance culturelle
    Dans les périodes de domination coloniale et de néocolonialisme, la tradition orale a souvent été utilisée comme un outil de résistance culturelle. Elle a permis aux Africains de préserver leurs histoires, leurs langues et leurs valeurs face à l’imposition des langues et des cultures étrangères. Les contes et récits traditionnels offraient un espace de liberté où les idées de liberté, de justice et de solidarité pouvaient être diffusées sans contrôle colonial.
    Dans Les Soleils des Indépendances d’Ahmadou Kourouma (Côte d’Ivoire), par exemple, l’auteur adapte le français en y intégrant des structures syntaxiques et des expressions propres à l’oralité mandingue. Ce mélange crée un style unique qui résiste à l’hégémonie de la langue coloniale tout en célébrant la richesse de la tradition orale africaine.
  4. Transmission des valeurs et enseignement moral
    La tradition orale ne se contente pas de préserver l’histoire, elle sert aussi à transmettre des leçons morales et des valeurs. Les fables, les légendes et les mythes jouent un rôle essentiel dans la socialisation des jeunes et dans l’établissement des normes communautaires.
    Les récits oraux africains contiennent souvent des leçons de vie, des avertissements contre l’orgueil, la jalousie ou l’injustice. Ces messages sont souvent transmis à travers des figures animales, comme dans les fables de Birago Diop (Sénégal), où des personnages comme l’hyène ou le lièvre incarnent des vertus ou des vices humains.
  5. Les défis de la préservation de l’oralité à l’ère moderne
    Aujourd’hui, la tradition orale fait face à des défis, notamment liés à la modernisation, à l’urbanisation et à la diffusion massive de la culture écrite et numérique. Cependant, de nombreux auteurs africains contemporains continuent de reconnaître la valeur de l’oralité et cherchent à la préserver, soit par l’intégration de récits traditionnels dans leurs œuvres écrites, soit par des efforts de numérisation et d’enregistrement des histoires orales.

    Le poids de la tradition orale dans la littérature africaine est immense et inestimable. Elle est à la fois la source et l’inspiration des récits écrits, imprégnant la littérature moderne de ses proverbes, chants, épopées et légendes. Grâce à des écrivains comme Chinua Achebe, Amadou Hampâté Bâ, et Ngũgĩ wa Thiong’o, la tradition orale continue d’enrichir la littérature africaine contemporaine, tout en permettant aux Africains de rester connectés à leurs racines culturelles. Par la Rédaction VIRTUS

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